Par Wesley Armando, expert en SEO & journaliste d’investigation
Comme pour chaque avancée technologique, derrière l’usage de l’intelligence artificielle sur le champ de bataille se cachent des réalités humaines : des familles, des vies transformées, et des générations marquées par des décisions souvent prises loin des regards.
La guerre est en train de changer. Alors que les récents conflits entre Israël, Gaza, et le Liban rappellent la tragédie et la complexité des tensions régionales, un acteur inédit s’immisce de plus en plus sur le champ de bataille : l’intelligence artificielle (IA). L’usage des drones, la surveillance automatisée, et les systèmes de décision alimentés par des algorithmes ont modifié le paradigme de la guerre, posant des questions complexes sur les implications stratégiques, politiques, et surtout éthiques de ces avancées. Quelles sont les conséquences de ces technologies sur les conflits actuels, et quelles sont les limites à ne pas franchir ?
La guerre asymétrique amplifiée par l’IA
Les affrontements récents entre Israël et Gaza ont mis en avant une réalité bien connue : ces conflits sont souvent asymétriques, avec une puissance militaire considérablement supérieure d’un côté et des milices armées de l’autre. Depuis octobre 2023, le conflit entre Israël et Gaza a fait au moins 41,870 Palestiniens tués et 97,166 blessés, selon le ministère de la Santé de Gaza. Ces chiffres témoignent de la gravité de la situation humanitaire et de l’impact des frappes israéliennes sur la population civile. Mais l’ajout de l’IA dans cette équation a changé la donne. Israël, en particulier, est reconnu pour son usage intensif des technologies de défense alimentées par l’IA, notamment le fameux « Dôme de Fer« , un système antimissile capable de calculer en temps réel les trajectoires et probabilités d’impact des roquettes lancées par le Hamas.
Mais le recours à l’intelligence artificielle va bien au-delà des systèmes de défense. Les drones, dotés d’algorithmes de reconnaissance faciale et capables d’analyser des informations en temps réel, sont utilisés tant pour surveiller des zones stratégiques que pour éliminer des cibles précises. Par exemple, les drones Hermes 900 et Elbit Systems Skylark ont été largement utilisés par Israël pour mener des opérations de surveillance et de frappe contre des positions du Hamas et du Hezbollah.
Les drones représentent désormais 80 % des heures de vol opérationnelles de l’armée israélienne, ce qui souligne leur importance stratégique. Ces drones fournissent des renseignements en temps réel, permettant des frappes précises tout en minimisant les risques de pertes civiles, mais soulevant également des inquiétudes éthiques quant aux erreurs de ciblage.
Israël est également reconnu pour ses capacités avancées en matière de guerre cybernétique. Le recours aux cyberopérations pour perturber les réseaux de communication, les systèmes de commandement et le soutien logistique des ennemis, en particulier ceux du Hamas, s’inscrit dans une stratégie visant à déstabiliser les capacités ennemies sans confrontation militaire directe.
La stratégie des « Killbots » : vers une guerre sans humains ?
Parmi les développements les plus alarmants, il y a la prolifération des systèmes autonomes d’attaque, parfois appelés « Killbots ». Ces systèmes peuvent prendre des décisions sans intervention humaine, en se basant uniquement sur les données qu’ils collectent et analysent. Cela soulève de nombreuses questions éthiques : qui est responsable des erreurs lorsque la décision est prise par un algorithme ? L’algorithme, l’état qui l’a utilisé, ou l’entreprise qui l’a développé ?
Ces questions ne sont pas théoriques. Dans le cadre du conflit entre le Liban et Israël, des rapports ont évoqué l’utilisation de drones autonomes capables de s’infiltrer dans des territoires ennemis et de détecter les cibles potentielles. Par exemple, des drones autonomes ont été utilisés pour mener des missions de surveillance dans le sud du Liban, ciblant des installations du Hezbollah sans intervention humaine directe.
Récemment, environ 250 combattants du Hezbollah ont été éliminés lors de frappes israéliennes, dont des commandants de bataillon et de compagnie. En parallèle, au Liban, la campagne militaire israélienne contre le Hezbollah s’intensifie. Depuis le début des opérations terrestres, 2,036 personnes ont été tuées et plus de 9,535 blessées au Liban, notamment lors de frappes massives dans le sud de Beyrouth et dans des camps de réfugiés palestiniens Ces chiffres montrent l’efficacité, mais aussi les implications éthiques graves de l’utilisation de ces technologies.
L’utilisation de ces technologies autonomes par Israël pour cibler des chefs militaires adverses est également préoccupante. Récemment, des frappes israéliennes ont visé des infrastructures du Hezbollah à Beyrouth, ciblant notamment le quartier général du renseignement et des hauts dirigeants du groupe. Le recours à des systèmes autonomes de frappe pose la question cruciale de la chaîne de responsabilité en cas d’erreur ou de pertes civiles.
Le dilemme éthique de la surveillance et des évaluations prédictives
L’IA ne se limite pas à l’armement. Elle joue également un rôle crucial dans la surveillance et la collecte d’informations. En Israël, les systèmes de surveillance à base d’IA ont pris une ampleur considérable. Ces technologies peuvent scanner de vastes bases de données, intercepter des communications, et utiliser des caméras en réseau pour analyser des comportements. En conséquence, des prédictions sont établies afin de prévenir des attaques potentielles.
Par exemple, les technologies de reconnaissance faciale et d’analyse de comportement sont utilisées pour surveiller les populations vivant à Gaza et au Liban. Cela peut sembler bénéfique pour la sécurité nationale, mais le prix à payer est élevé pour les populations surveillées. Des experts ont mis en garde contre la tendance croissante à appliquer des évaluations prédictives qui reposent sur des données biaisées. Cela peut mener à une ségrégation systématique, où certaines populations sont continuellement ciblées en fonction de modèles algorithmiques. Dans le contexte d’un conflit régional déjà très polarisé, cela ne fait qu’accroître les tensions.
Le cas des « évaluations prédictives » basées sur l’analyse des communications et des déplacements est particulièrement problématique. Ces systèmes s’appuient sur des volumes massifs de données pour tenter de prédire des comportements suspects. Par exemple, aujourd’hui même, le système de surveillance israélien a été utilisé pour surveiller les communications de milliers de civils à Gaza, dans le cadre des opérations en cours visant à identifier des cibles potentielles.
Cette surveillance a permis de détecter des mouvements inhabituels. Mais l’absence de transparence et la difficulté d’auditer ces algorithmes on rendus ces pratiques potentiellement discriminatoires, en particulier envers les populations civiles dans les territoires occupés ou contrôlés par le Hamas et le Hezbollah.
Quelle gouvernance pour ces technologies ?
La question de la régulation internationale devient cruciale. Il n’existe aujourd’hui pas de réglementation claire et unique encadrant l’utilisation de l’IA militaire, ce qui laisse place à une sorte de vide juridique dangereux. L’absence de cadre global favorise l’utilisation de ces technologies par des états ou des organisations qui ne respectent pas nécessairement les conventions internationales.
Les récents développements au Moyen-Orient illustrent bien ce vide réglementaire. En l’absence de règles précises, des technologies autonomes et des systèmes d’IA sont utilisés dans des contextes où les droits humains sont souvent ignorés. L’Iran, par exemple, a publiquement soutenu le recours à des attaques par drones et a encouragé ses alliés, notamment le Hezbollah et le Hamas, à résister à l’expansion de l’influence israélienne en utilisant des méthodes de guerre asymétriques alimentées par des technologies avancées.
Il est vraiment essentiel que les Nations unies et les grandes puissances mondiales travaillent ensemble pour créer des normes éthiques et stratégiques pour l’utilisation de l’IA militaire. Sans un consensus clair, les conséquences pourraient être catastrophiques, d’autant plus dans des régions où les tensions sont extrêmement vives. La question n’est pas de savoir si l’on doit interdire l’usage de ces technologies, mais plutôt de savoir comment les utiliser de manière éthique et contrôlée.
Que dira l’avenir
Ces nouvelles technologies, tout en offrant des avantages stratégiques significatifs, posent également des questions éthiques et juridiques de taille. Le monde assiste à une transition rapide vers des guerres de plus en plus automatisées, où les décisions de vie ou de mort sont en partie prises par des algorithmes. Ce futur n’est ni noir ni blanc, mais il impose des choix éthiques qui devront être faits rapidement si l’on veut éviter des conséquences imprévisibles.
Les événements récents, tels que les frappes autonomes à Beyrouth ou l’utilisation de drones et de cyberattaques, montrent que l’avenir de la guerre sera largement façonné par des technologies capables de fonctionner sans intervention humaine directe. Le défi sera de s’assurer que l’usage de ces technologies soit conforme aux droits humains et respecte les principes de proportionnalité et de distinction qui sont au cœur du droit international humanitaire.
La technologie évolue, mais les questions de vie et de mort restent les mêmes. Où s’arrête la frontière entre progrès et danger pour l’humanité ? La réponse n’est pas simple, et il est de notre devoir de réfléchir à cette question, aujourd’hui plus que jamais.
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FAQ
1. Quel est le rôle de l’IA dans le conflit israélo-palestinien ?
L’IA est utilisée pour optimiser les systèmes de défense (comme le Dôme de Fer), la surveillance à grande échelle, et pour diriger des drones autonomes. Ces technologies visent à améliorer l’efficacité des opérations tout en minimisant les pertes humaines pour l’armée utilisatrice.
2. Quels sont les risques éthiques des « Killbots » ?
Les Killbots sont des systèmes autonomes d’attaque qui peuvent prendre des décisions sans intervention humaine. Cela pose des questions éthiques majeures, notamment en cas d’erreurs de ciblage : qui est responsable, et comment éviter ces erreurs fatales ?
3. L’utilisation de l’IA dans la guerre est-elle réglementée ?
Actuellement, il n’existe pas de cadre international unique pour réglementer l’utilisation de l’IA dans les conflits. Chaque pays adopte ses propres pratiques, ce qui crée un vide juridique dangereux. Les récents développements au Moyen-Orient montrent l’urgence d’établir des normes internationales.
4. Comment l’IA influence-t-elle la surveillance en Israël ?
En Israël, l’IA est largement utilisée pour surveiller les populations à risque, analyser des comportements, et établir des prédictions afin de prévenir des attaques potentielles. Cela engendre des débats sur les dérives possibles et les atteintes aux droits des citoyens, en particulier en raison de l’opacité des algorithmes utilisés.
5. Pourquoi est-il urgent de réglementer l’IA militaire ?
Sans une réglementation claire, l’utilisation de l’IA militaire pourrait échapper à tout contrôle, avec des conséquences graves sur le plan éthique et humain. Une collaboration internationale est essentielle pour encadrer ces nouvelles technologies et prévenir les abus. Les événements récents dans le conflit israélo-libanais illustrent bien la nécessité de normes pour éviter les dérives incontrôlées.
A bientôt pour un nouveaux voyage à travers l’espace, la science et l’information ←
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