Une campagne très spéciale pour LHCb

Par Stefania Pandolfi

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Le détecteur LHCb en configuration ouverte. (Image: Anna Pantelia/CERN)

Pour la première fois, l’expérience LHCb au CERN a récolté des données simultanément en mode «collision» et en mode «cibles fixes» : un mode d’exploitation vraiment spécial pour cette campagne spéciale.

Ces deux dernières semaines ont été occupées par des campagnes spéciales du Grand collisionneur de hadrons (LHC) , après l’exploitation avec protons pour 2017 et avant l’arrêt hivernal. L’une d’elles consistait à effectuer des collisions de protons à une énergie de 5,02 TeV, notamment en vue de définir un cadre de référence en vue de l’analyse des données obtenues avec des ions plomb. Ce qu’il y avait de particulier, c’est qu’une faible quantité de néon a été injectée dans le tube de faisceau à proximité du point d’interaction de l’expérience LHCb, ce qui a permis aux physiciens de récolter simultanément des données d’interaction proton-néon et des données d’interaction proton-proton.

Lorsque des gaz (rares) sont injectés dans le tube de faisceau pour entrer en collision avec des protons, l’expérience LHCb fonctionne en mode « cible fixe », alors que son mode de fonctionnement habituel est le mode « collision ». Toutefois, contrairement aux expériences traditionnelles à cible fixe, où le faisceau de particules accélérées vient heurter une cible solide ou liquide, ici, les protons accélérés par le LHC percutent une poignée de noyaux de néon, injectés à proximité du point de collision, qui flottent dans le tube de faisceau. Même si ces noyaux polluent, de manière infime, le vide presque parfait du LHC, les conditions qui résultent de cette intrusion – une pression de l’ordre de 10-7 millibars – restent quand même celles d’un environnement d’ultravide.

Il y a deux raisons principales d’essayer de recueillir des données relatives aux collisions proton-gaz auprès du LHC. En premier lieu, ces données nous aident à comprendre les effets nucléaires (c’est-à-dire liés au type de noyau heurté) ayant une incidence sur la production de certains types de particules (les mésons J/ψ et D0, par exemple), dont on considère qu’une production réduite est caractéristique du plasma de quarks et de gluons. Le plasma de quarks et de gluons est l’état de la matière qui remplissait l’Univers quelques millionièmes de secondes juste après le Big Bang, soit avant la formation de protons et de neutrons ; il s’agissait de quarks faiblement liés et pouvant se déplacer librement.

En second lieu, les interactions proton-néon revêtent une certaine importance pour l’étude des rayons cosmiques – des particules de haute énergie, principalement des protons, issues de l’extérieur du système solaire – lorsque ceux-ci entrent en collision avec des noyaux dans l’atmosphère terrestre. Le néon, qui est l’une des composantes de l’atmosphère terrestre, possède un noyau d’une taille très proche de celle des noyaux de l’azote et de l’oxygène, qui sont présents en quantité bien plus abondante.

Si la méthode qui consiste à injecter du gaz a été conçue à l’origine pour mesurer la brillance des faisceaux de l’accélérateur, les physiciens de LHCb ont rapidement décelé son potentiel et l’emploient désormais pour des mesures physiques spécifiques. En 2015 et en 2016, l’expérience LHCb a mené à bien des campagnes spéciales proton-hélium, proton-néon et proton-argon. En octobre de cette année, pendant huit heures seulement, le LHC a accéléré et fait entrer en collision des noyaux de xénon, ce qui a permis à ses quatre grandes expériences d’enregistrer pour la première fois des collisions xénon-xénon.

Grâce à ces onze jours de campagne proton-néon, les physiciens pourront recueillir un ensemble de données cent fois plus volumineux que l’ensemble des données proton-néon récoltées jusqu’alors auprès du LHC. Les premiers résultats des analyses sont prévus pour l’année prochaine.

Plus d’informations sur le site de LHCb.


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