Syrie: les contradictions de l’ex-PDG de Lafarge et son bras droit devant les juges

Publié le  | AFP

L’ex-PDG de Lafarge, Bruno Lafont, a assuré devant les juges n’avoir été au courant de versements du cimentier au groupe Etat islamique (EI) qu’en août 2014, mais son ex-bras droit affirme l’avoir informé beaucoup plus tôt, a indiqué samedi à l’AFP une source proche du dossier.640_034_3474205

Pour continuer à faire tourner son usine en Syrie malgré la guerre, Lafarge a versé de 2011 à 2015 12,946 millions d’euros à des factions armées, dont l’EI, d’après un rapport interne commandité par le groupe français qui a fusionné avec le Suisse Holcim en 2015.

Dans cette enquête hors-norme, où pour la première fois en France de grands patrons sont soupçonnés d’avoir financé le terrorisme, les contradictions entre les différents protagonistes sont nombreuses.

Bruno Lafont, PDG de Lafarge de 2007 à 2015, et Christian Herrault, ex-directeur général adjoint en charge de plusieurs pays dont la Syrie, ont été mis en examen le 8 décembre pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « financement d’une entreprise terroriste ».

Christian Herrault « a fait l’annonce d’un accord avec Daesh » (acronyme arabe de l’EI) lors d’une réunion du comité exécutif de Lafarge d’août 2014, a assuré Bruno Lafont devant les juges d’instruction, d’après la source proche du dossier.

« Je n’ai pas fait de commentaires sur le coup, sauf à dire que cet accord n’était pas une bonne idée », a-t-il ajouté, assurant avoir décidé à ce moment-là de la fermeture de l’usine, qui tombera finalement aux mains de l’organisation d’Abou Bakr al-Baghdadi quelques semaines plus tard, le 19 septembre 2014.

Mais Christian Herrault a maintenu avoir régulièrement rendu compte à M. Lafont de la situation sur place à partir de l’été 2012 et lui avoir dit en septembre-octobre 2013 que Lafarge finançait des groupes jihadistes, dont l’Etat islamique. Il a de nouveau assuré avoir versé à l’EI « la somme de 5 millions de livres syriennes (20.000 dollars) mensuellement à partir de novembre 2013 » car « toutes les parties prenantes ont (alors) intérêt à ce que cet investissement dure et fonctionne ».

« Il y a beaucoup de choses que je n’ai pas sues et qui m’ont peut-être été cachées », a insisté Bruno Lafont.

L’ancien patron s’est défendu d’avoir voulu se maintenir en Syrie à tout prix uniquement pour une raison « mercantile », alors que le groupe avait déboursé quelques années plus tôt 680 millions de dollars pour son usine de Jalabiya (nord du pays).

« Evidemment qu’un actif de ce montant est pris en compte mais il n’est pas seul pris en compte », a relevé Bruno Lafont. « Une cimenterie est très difficilement démontable (et) notre tradition est de ne pas laisser tomber les gens », a-t-il ajouté.

Lafarge est aussi mis en cause pour ne pas avoir assuré la sécurité des employés syriens de la cimenterie.

« En juillet 2013 (…) je prends conscience que la situation se complique. J’ai écris dans mes notes personnelles +on se replie dans le calme+ », affirme Bruno Lafont.

Le cimentier restera pourtant dans le pays quatorze mois supplémentaires.

« M. Lafont n’a jamais fait part à M. Herrault ni de doutes ni d’une quelconque volonté de fermer l’usine à cette date et ce jusqu’en août 2014 », s’est étonnée Solange Doumic, avocate de l’ex-directeur général adjoint.

Egalement sollicité, l’avocat de Bruno Lafont, Me Hervé Temime, a indiqué que son client « avait pris acte de sa mise en examen. Il a assumé sa qualité de dirigeant de Lafarge mais conteste toute infraction pénale ».

16/12/2017 09:58:15 – Paris (AFP) – © 2017 AFP


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